Opinion piece

La PAC n’est pas taboue

Dans cette chronique, l'auteur estime qu’une renationalisation graduelle de certaines politiques pourrait utilement contribuer à la nécessaire redéfin

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28 May 2018

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La bataille du budget européen vient de s’ouvrir. Début mai, la Commission a mis ses propositions sur la table : pour faire face à la baisse de ressources induite par la sortie britannique et financer de nouvelles priorités – numérique, jeunesse, climat, protection des frontières, accueil des réfugiés, sécurité – elle propose de réduire de 5% les fonds alloués à l’agriculture. Immédiatement, le ministre en charge, Stéphane Travert, a dénoncé des « propositions inacceptables Â».

Ce ne sont que les premières escarmouches, car l’équation budgétaire est redoutable. D’un côté, le Brexit va réduire les ressources de 10 milliards d’euros par an (voir l’étude de ). De l’autre, la Commission évalue le coût des nouvelles priorités à 15 milliards. Un ciseau de 25 milliards sur un budget de 180, c’est beaucoup.

Comment en sortir? L’Allemagne se dit disposée à payer plus. Mais cela ne suffira pas. Il faut faire des choix. Habilement, la Commission a repris des priorités avancées par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne. Mais elle lui met le marché en main: pour affronter les défis d’aujourd’hui, il faut faire des économies sur les politiques d’hier.

Où est notre intérêt? C’est aujourd’hui la question. Est-il certain que ce soit le maintien en l’état de la Politique agricole commune (PAC) ? Bien sûr, Bruxelles nous verse chaque année 10 milliards d’aides, plus qu’à tout autre pays. Mais pour quel résultat ? Une compétitivité en berne, un retard technique avéré, une montée en gamme trop lente, un bilan écologique préoccupant, une transition vers le bio poussive. Et pour beaucoup de petits exploitants, un déficit de revenu criant : en 2016 (il est vrai une mauvaise année), un quart des exploitations n’ont, après subventions, rémunéré ni le travail de l’agriculteur, ni son capital. Les subventions communautaires sont en fait peu redistributives. Toutes ces déficiences ne sont pas dues à la PAC. Mais ce bilan est aussi le sien.

Par ailleurs la finalité de la PAC n’est plus, comme hier, quantitative. Dès lors, on peut se demander qui doit faire quoi. Il revient certainement à l’Union d’aider les agriculteurs à supporter les coûts qu’induisent ses exigences, en matière d’environnement ou de bien-être animal. Mais d’autres raisons d’aider sont locales : entretien du paysage, maintien d’une activité en zone de montagne, promotion d’un terroir, appui social. Les aides européennes s’y sont adaptées, mais manquent de granularité. Dans bien des cas des politiques nationales, ou même régionales, pourraient mieux répondre à l’infinie variété des situations.

Reste, évidemment, l’intérêt financier : bien ou mal employés, dira-t-on, pourquoi renoncer à 10 milliards de subventions? L’argument résiste mal à l’examen. Il est illusoire, d’abord, de penser qu’avec trois fois moins d’agriculteurs et huit fois moins d’exploitants, la France va éternellement percevoir trois fois plus de subventions que la Roumanie. Découplées de la production, les aides directes aux exploitations (7 milliards sur 10) sont encore largement calculées sur une base historique, et reflètent donc la production d’hier. Inévitablement, ces transferts à finalité sociale iront cependant de plus en plus vers les pays dont la population agricole reste nombreuse.

L’autre raison est les négociations budgétaires européennes prennent en compte – à tort ou à raison – les soldes nets entre dépenses et recettes. Ce qui est perdu sur une politique peut ainsi être regagné sur une autre.

Imaginons que la France soit audacieuse, rompe avec le corporatisme qui, de bas en haut, domine le monde agricole, prenne la Commission au mot, et propose de réexaminer qui doit faire quoi. Bien négociée, une renationalisation graduelle de certaines politiques n’impliquerait pas de perte nette. Elle pourrait utilement contribuer à la nécessaire redéfinition de notre modèle agricole.

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