France employment policy puts pressure on the budget
France is one of the countries that invests the most on employment policy. But with the public deficits crisis, there is a risk to indiscriminately cut on spending. In this article, Bruegel Director Jean Pisani-Ferry argues that a better solution would be to devote funds to where they are needed the most and to undertake structural reforms at the same time.
En matière d’emploi, la performance française est notoirement médiocre. La France est cependant l’un des pays qui dépensent le plus pour l’emploi : de l’ordre de 80 milliards, si l’on prend en compte à la fois le service offert par Pôle emploi, l’indemnisation du chômage, le soutien à l’activité partielle, la formation des demandeurs d’emploi, ce qui reste des préretraites, une série de dispositifs d’incitation à l’embauche, les programmes publics de création d’emplois, les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, y compris ceux qui résultent des trente-cinq heures, la prime pour l’emploi, les exonérations en faveurs des zones franches ou des DOM et les réductions d’impôt en faveur des emplois à domicile, sans oublier, bien sûr, les mesures de soutien aux hôtels, cafés et restaurants, qui dès avant la baisse de la TVA bénéficiaient d’un traitement de faveur.
Depuis trente ans, le pays soigne le chômage par la dépense publique. Il a d’abord misé sur les préretraites et les emplois semi-publics, avant de se tourner vers le soutien actif à l’emploi marchand. Le coût des politiques de l’emploi, qui était de moins d’un point de PIB avant 1974, s’est stabilisé aux alentours de quatre points à partir des années quatre-vingt-dix. Hors indemnisation du chômage, les seules politiques actives pèsent entre deux et demi et trois points de PIB, soit une cinquantaine de milliards en 2010 : deux fois le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Si les pays scandinaves dépensent aussi beaucoup (mais avec de meilleurs résultats), d’autres comme le Royaume-Uni consacrent moins d’un demi-point de PIB à l’emploi. En France, le niveau de dépense résulte d’un choix, commun à la droite et à la gauche, qui a consisté à utiliser l’argent public pour concilier des préférences sociales contradictoires et remédier aux dysfonctionnements du marché du travail. La dépense publique a ainsi permis de procéder à un rattrapage rapide du pouvoir d’achat des smicards net tout en modérant ses conséquences sur le coût du travail non qualifié pour les employeurs. De la même manière elle a permis, dans une mesure limitée, d’allier sécurité de l’emploi et promotion de l’embauche.
Aussi soucieux qu’ils aient été de marquer leurs différences par le choix de politiques spécifiques – trente-cinq heures ou exonération sociales sur les heures supplémentaires, par exemple – tous les gouvernements depuis trente ans se sont convaincus de la nécessité de payer. Ils ont, d’ailleurs, raffiné l’attirail des mesures : au fil du temps les dispositifs les plus malthusiens comme les préretraites ont été éliminés ; les aides publiques ont été mieux ciblées ; leur instabilité a quelque peu diminué ; et une place, encore modeste, a été faite à l’évaluation. Au total, l’argent public est certainement mieux employé aujourd’hui qu’il y a vingt ans.
Mais cet argent va désormais manquer et dans les années à venir la crise des finances publiques va © Bruegel 2010 1
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exposer au grand jour des tensions jusqu’ici masquées par la dépense. Le risque est que dans un contexte de croissance bridée et alors même que la réforme des retraites va accroître l’offre de travail, on s’engage dans un rabotage plus ou moins indiscriminé de la dépense, avec pour conséquence la montée du doute sur la pérennité des dispositifs existants et une perte d’efficacité dommageable à l’emploi, notamment celui des publics les plus fragiles.
La vraie réponse consiste plutôt à faire le partage entre les objectifs pour lesquels il faut effectivement mobiliser le budget et ceux qui seraient mieux servis par des réformes de structure. Car s’il est légitime de payer pour maintenir les moins qualifiés dans l’emploi et améliorer leur revenu relatif, il serait déraisonnable de continuer à le faire pour pallier les conséquences d’une formation professionnelle notoirement inefficace, d’une structure des prélèvements encore défavorable à l’emploi, ou du dualisme entre CDI et CDD. Payer pour ne pas réformer est un luxe que la France ne peut plus se permettre.
Jean Pisani-Ferry est économiste et directeur de Bruegel, centre de recherche et de débat sur les politiques économiques en Europe. Courriel: [email protected].
A version of this op-ed was published by Le Monde.