Proposal for a French fiscal rule
In this article, Bruegel Director Jean Pisani- Ferry and Olivier Garnier, member of the Conseil d'Analyse Economique, explain why France needs to implement a rigorous fiscal policy that should be complemented by an operational definition of fiscal responsibility. With Germany setting a new benchmark against which the performance of other European states will be measured, the authors outline three main principles most suitable for the French.
Le Président de la République vient d’annoncer qu’il souhaite faire inscrire dans la Constitution l’obligation pour chaque nouveau gouvernement de s’engager pour cinq ans sur une trajectoire de solde structurel des finances publiques. Après l’Allemagne, la France s’apprête donc à se doter d’une règle budgétaire.
Il est grand temps que la France se dote d’une définition opérationnelle de la responsabilité budgétaire. Depuis trente ans le ratio de dette publique n’a presque jamais cessé d’augmenter, sans que pour autant la politique budgétaire ait joué un rôle contra‐cyclique. Cette pratique était dès avant la crise coûteuse. Avec un ratio d’endettement qui avoisinera bientôt 90% du PIB, elle n’est plus tenable. En outre, la décision allemande fixe une nouvelle référence, à l’aune de laquelle les performances des autres Etats européens vont être mesurées. La France n’a donc guère le choix : si elle veut continuer d’emprunter dans les meilleures conditions, elle doit se fixer ses propres disciplines.
Une marge de choix considérable demeure cependant quant au dispositif à adopter. Si l’Allemagne a choisi de fixer dans sa constitution une limite supérieure au déficit structurel des administrations, d’autres pays ont fait des choix différents. Il existe en fait une variété de solutions possibles, dont l’efficacité dépend des caractéristiques des pays qui les mettent en oeuvre. Le même dispositif n’aura ainsi pas les mêmes effets dans un Etat unitaire et dans un Etat fédéral, ou encore avec un gouvernement de coalition et un gouvernement unicolore. La règle allemande n’est donc pas la seule, ni nécessairement la plus efficace pour nous.
Pour définir une règle adaptée au cas français, nous proposons trois grands principes :
Premièrement, au lieu de se donner une règle globale pour l’ensemble des administrations publiques, il est préférable de rester au plus près des niveaux opérationnels de décision (Etat, sécurité sociale, collectivités locales). Le choix d’un objectif global se justifiait au niveau européen pour des raisons de comparabilité, mais au niveau national l’effectivité suggère une approche déconcentrée.
Deuxièmement, il convient de partir l’existant, pour renforcer les bonnes pratiques, et remédier aux déficiences récurrentes. Depuis une quinzaine d’années, la France s’est soumise à des règles partielles, notamment sur la dépense. Leur caractère incomplet et non‐impératif n’a pas permis que cet effort débouche sur contrôle satisfaisant des déficits. Mais cela ne veut pas dire qu’elles ont été sans effet. En particulier, comme le montre le rapport Champsaur‐Cotis, l’adoption d’une norme de plafonnement en euros constants a ralenti la croissance des dépenses de l’Etat. Mais ce gain a souvent été absorbé par des baisses discrétionnaires d’impôts ou par des dépenses fiscales, faute d’encadrement de ce côté‐là du budget.
1 Membres du Conseil d’Analyse Economique.
Bruegel © 2010
Bruegel © 2010
Troisièmement, les contraintes doivent porter non pas sur les objectifs finaux (les soldes, qui dépendent de la conjoncture et doivent pouvoir fluctuer), mais sur les instruments, c’est‐à‐dire sur les variables sous le contrôle des pouvoirs publics et du parlement. De ce point de vue, le solde dit structurel n’est pas l’instrument le plus approprié. Il présente certes l’avantage d’être cohérent avec les usages européens. Mais il est entaché de larges incertitudes et sujet à d’importantes révisions au cours du temps, ce qui rend son utilisation inadaptée à une règle de rang constitutionnel. Pour la France, l’estimation par la Commission du déficit corrigé du cycle pour 2007 est ainsi passée de 2,1% du PIB au printemps 2007 à 3,7% du PIB aujourd’hui. C’est pourquoi il est préférable de faire porter directement la règle sur les plafonds de dépenses et les mesures nouvelles en matière de prélèvements.
Pour l’Etat par exemple, le schéma serait donc le suivant :
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Une loi de programmation quinquennale fixe, en début de chaque législature et pour chaque année de la législature, le plafond des dépenses de l’Etat en euros constants, le montant minimum des recettes non‐fiscales et le montant minimum des mesures de prélèvement nouvelles (ou le montant maximum des baisses de prélèvement).
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La loi de finance annuelle est tenue de respecter les plafonds de dépense et l’enveloppe des mesures nouvelles de prélèvements inscrites dans la loi de programmation.
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En exécution, les écarts à ces plafonds et enveloppes alimentent un compte de contrôle, dont le déficit ne peut dépasser 1% du PIB sur la législature, sauf clause de sauvegarde dans le cas de circonstances exceptionnelles.
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Un comité budgétaire indépendant vérifie la cohérence entre les projets de loi de finances annuels et la loi de programmation.
Contrairement à la règle allemande, un tel schéma préserverait la liberté de décision du législateur. Il laisserait aussi jouer les stabilisateurs conjoncturels. Mais il imposerait au gouvernement et au parlement une contrainte de cohérence dans le temps en obligeant les budgets annuels à se conformer aux engagements pris en début de législature.
A version of this op-ed was published by Les Echos.